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Un documentaire sur "Les Enfants perdus du franquisme" est montré sur Odyssée. La chaîne publique espagnole TVE ne l'a pas diffusé.
LE MONDE | 15.04.04

http://www.lemonde.fr/txt/article/0,1-0@2-3236,36-361260,0.html




"On ne dirait peut-être pas, mais c'est un film d'actualité, explique la journaliste catalane Montse Armengou. Jusque-là, o­n ne savait rien de cet enfer. Pendant la dictature, o­n ne parlait pas, mais avec la démocratie, vingt-cinq ans après la mort du dictateur, que savait-on de plus ?" Il aura fallu soixante ans pour que les langues se délient et qu'une page obscure des années de pouvoir de Franco sorte de l'oubli.OAS_AD('Middle'); Les Enfants perdus du franquisme, le documentaire que montre la chaîne Odyssée, diffusé sur TPS et le câble, vendredi 16 avril, à 21 h 10, fait parler pour la première fois des victimes d'une tragédie qui a vu, de 1938 à 1945, des milliers d'enfants être arrachés à leurs mères détenues dans les prisons du Caudillo.

Ces femmes étaient incarcérées parce qu'elles étaient républicaines ou simplement mères, sœurs ou épouses de militants communistes ou anarchistes. Le pouvoir franquiste a voulu soustraire les "enfants de rouges" de l'influence idéologique de leurs parents en les plaçant dans des institutions, voire en changeant leur nom, facilitant ainsi les adoptions irrégulières. Beaucoup de mères n'ont jamais pu retrouver la trace de leur fils ou fille.

Mme Armengou, qui collabore au magazine d'information "30 minutes" de la télévision publique TV-3 Catalogne, est une jeune femme pugnace. Il lui a fallu un an, pris en charge par la chaîne TV-3, pour retrouver témoins oraux et documents écrits prouvant ces atrocités. Elle a travaillé en équipe avec le journaliste Ricard Belis, le cameraman Walter Ojeda et l'historien Ricard Vinyes, de l'université de Barcelone, spécialiste du monde pénitentiaire sous le franquisme.

Les recherches o­nt été particulièrement difficiles. Beaucoup de témoins sont morts. Les mères sont très âgées, souvent malades. Leurs fils et filles o­nt la soixantaine, ils o­nt encore parfois peur de témoigner. Les archives sont rares, dispersées, non triées, abîmées par l'humidité, quand elles n'ont pas été délibérément détruites après la mort de Franco. "Et celles, privées, du dictateur, comme celles de la Fondation Francisco-Franco, qui a reçu beaucoup d'argent de l'Etat, ne sont toujours pas accessibles aux chercheurs !", s'emporte Mme Armengou. Elle a convaincu des femmes de parler et trouvé des documents prouvant les faits et l'implication de l'Eglise.

OUBLI DES CRIMES


Le film a eu un gros impact lorsqu'il a été diffusé, en janvier 2002, sur l'antenne de TV-3 Catalogne, dans le cadre de "30 minutes". Il a été montré à la télévision basque, primé dans de nombreux festivals, dont le Festival international du grand reportage (Figra 2003), au Touquet (Pas-de-Calais).

A ce jour, le documentaire n'a toujours pas été diffusé par la chaîne publique espagnole TVE, "malgré une intervention parlementaire en ce sens", fait remarquer Mme Armengou, qui dénonce le poids des descendants des franquistes au sein de la TVE et l'ambiguïté d'un "pacte social", qui, au nom de la transition démocratique, impose l'oubli des crimes commis. "En Afrique du Sud, o­n a au moins créé une commission de la vérité, chez nous, non. Pour les victimes, c'est dur."

Depuis, la journaliste poursuit son travail sur le franquisme. Avec notamment Les Charniers du silence, montré en 2003 sur TV-3, sur les chaînes basque, andalouse et la chaîne Histoire, mais toujours pas sur TVE.

Catherine Humblot